Expressions

Les essentiels de sa philosophie à travers expressions et citations :

Les expressions favorites

Voir, Faire, Transmettre

Cette expression correspond aux trois âges de la vie que lui a enseignés un vieux bonze en Indochine.

Voir est la période d’apprentissage avec un regard plein de curiosité, ouvert aux découvertes.

Faire est la période de réalisation, d’expérimentation, d’épanouissement.

Transmettre est la période de partage des enseignements des deux périodes précédentes.

Ces trois étapes se retrouvent dans toute expérience et chaque expérience de vie n’avait de sens pour lui que si elle était ensuite transmise par l’écriture.

Pensée, Sueur, Foi

Les trois étapes pour toute création.

Cela revient à faire de son mieux la tâche que l’on s’est fixée en y mettant l’énergie nécessaire et croire que son aboutissement est possible avec éventuellement le petit coup de pouce de l’Univers ou des dieux de son Asie natale ou de sa bonne étoile. L’essentiel étant de faire tout son possible sans se prendre pour un surhomme, en acceptant les lois d’équilibre de la nature.

Les concepts clés à travers des citations

Liberté et libre arbitre

« Je n’ai jamais cru à la fatalité. Les choses ne peuvent pas être écrites à notre place par le Destin avec de l’encre indélébile. Ou alors, si elles sont vraiment écrites, c’est au crayon, et nous avons le liberté de gommer un mot ici et là (…) infléchir ainsi le futur vers une direction qui dépend seulement de nous autres les hommes, pas d’une prétendue fatalité qui nous mènerait pas le bout du nez. »

« La vie m’a enseigné que l’homme tient le Choix dans sa main. Il a donc le Pouvoir de guider son destin au lieu de le subir. Non seulement le Pouvoir, mais aussi la Responsabilité. »

«… le mot hébreu, le mot « Timshel » : tu peux, laisse le choix. C’est peut-être le mot le plus important du monde. Il signifie que la route est ouverte. La responsabilité incombe à l’homme, car si « tu peux », il est vrai que « tu peux ne pas ».

Autonomie et authenticité

« Apprends à voir les choses par toi-même, pas seulement à travers les yeux des autres. »

« Parle avec ta propre bouche, sans t’occuper des 1000 bouches qui chantent des mensonges. »

sont deux des expressions qu’il entend, enfant, au contact de Tchu, le chauffeur annamite de la famille Moitessier.

Simplicité

Faire de la simplicité un art de vivre pour aller à l’essentiel et garder sa liberté.
« Petit bateau, petit problème, grand bateau, grand problème. »

« Il y a différentes philosophies pour naviguer. La mienne s’attache à faire au plus simple, pour être paré à prendre la mer dans les plus brefs délais et à moindre frais. »

Il est nécessaire de pouvoir réparer soi-même, d’éviter la dépendance à des moyens financiers qu’il n’a pas ou à une technique qu’il ne maîtrise pas. Il déploie de nombreuses astuces et systèmes de débrouille à la vietnamienne : chambres à air, lance-pierre…et fait de la récupération un art de s’équiper et d’éviter la consommation.
Rechercher la simplicité, c’est aussi, selon l’adage de son ami Henry Wakelam :
« Un travail ne peut être considéré comme bon, que lorsqu’on ne peut pas faire plus simple. »

Oser réaliser ses rêves

« Tout ce que les hommes ont fait de beau et de bien, ils l’ont construit avec leurs rêves.»

« The work is teaching you the work ».

Oser se lancer avec la conviction que l’on apprend en faisant et au contact des autres, une fois en route. C’est aussi l’idée que l’expérience transforme, que l’on ne peut pas savoir à l’avance ce que l’on va trouver et pouvoir réaliser, alors tenter l’expérience en vaut la peine.
« Tamata » : essayer, oser faire autrement.

« Choisir de rester sur ma branche confortable, au risque de ne jamais plus oser… ou vaincre ma peur du nouveau et lâcher tout pour sauter dans l’inconnu qui réveille. »

« Le  ‘non’, tu l’as déjà» est une expression familière pour dire que l’on ne risque rien à demander quelque chose qui nous semble impossible à obtenir.

« Tu ne pourras jamais réparer ce moteur si tu n’es pas mécanicien, me disait Tchu quand j’étais enfant. Mais si tu ne commences pas d’abord par réparer le moteur, tu ne pourras jamais devenir mécanicien. »

États de conscience : dehors et dedans

« Pour calfater vraiment, tu dois entrer dans la fente en même temps que la fibre, devenir toi-même la fibre du cai tram, avec ses yeux à elle. Si tu réussis, tu verras comment l’eau essaiera d’entrer, parce que tu auras aussi les mêmes yeux que l’eau. »

« Quand je nage très longtemps sans m’arrêter dans la piscine de Saïgon, quelquefois je me vois au-dessus de moi, me regardant nager. Et plusieurs fois, je suis entré à l’intérieur de mes poumons et de mes muscles, comme si j’étais dehors et dedans à la fois pendant que je nageais toujours. »

Faire de son mieux

« Que chaque balancement de ton corps, chaque pensée de ton esprit devienne un mouvement de taichi, c’est comme ça qu’on fait les choses quand on veut qu’elles soient bien faites. » enseignement de Phil Diskin

« Étendu sur ma couchette les yeux grands ouverts, j’écoute les dieux de mon Asie natale venus tenir conseil dans la cabine de Joshua. Ils disent que tout est maintenant rentré dans l’ordre.  Si je réussis mon tour du monde sans escale, ce sera bien. Si les circonstances m’obligent à m’arrêter en route, ce sera bien aussi, puisque là encore j’aurai fait mon possible. Ils savent que je n’accepterai aucune compromission. »

Notion d’éveil ou d’attention

« Il n’y a que les méchants et les cons qui se font mal ».

« Être « méchant ou con », c’est ne pas être éveillé ou agir par routine ou distraction. Une façon de dire que quand ça ne va pas, il ne faut s’en prendre qu’à soi-même. Chercher à éviter les problèmes, c’est apprendre à sentir les choses : faire attention où l’on met les pieds, à ce que l’on mange, …en quelque sorte, être présent à ce qu’on fait, vivre en prenant conscience de ce que l’on vit. » Véronique Lerebours dans « Bernard Moitessier fil des rencontres».

L’enseignement de Phil Diskin à Ein Karem

« L’enseignement de Phil se résume par une phrase très simple en apparence : « L’esprit est un outil que l’on peut affûter comme n’importe quel outil, non pas seulement pour qu’il soit bien tranchant mais en vue d’une œuvre créatrice dont chacun sur cette terre détient le choix entre ses mains. » 

L’évolution humaine et l’Intelligence du Cœur.

« Bernard utilisait volontiers des fables pour partager sa vision des choses. L’une d’elles illustrait ces sauts qualitatifs de l’évolution humaine :
Une bande de singes cherche à déplacer un tronc d’arbre. Tel un visionnaire, l’un d’eux a l’intuition de rouler le tronc au lieu de le porter. A force de gesticuler et de lancer des « Euh ! Euh ! » à ses congénères, ceux-ci finissent par comprendre qu’il faut essayer de faire autrement. Ensemble, ils expérimentent ce « pas de la Réflexion ».
Bernard était convaincu qu’au niveau de l’humanité, un jour, cet autrement aboutirait à un nouveau « pas », celui de l’Intelligence avec un grand « I », l’Intelligence du cœur. Du moins, c’était la seul issue viable et il fallait s’y attaquer. » Isabella Conti dans « Bernard Moitessier fil des rencontres»

Le choix

« On est toujours seul face à soi-même devant un choix dans l’existence ».
« Dans la vie se présentent toujours des choix ; face à deux chemins possibles, il faut choisir celui qui a du cœur. »

Le « pass forward » ou la chaîne de solidarité

« Marie-Thérèse revient de loin… moi aussi. Pendant l’escale de Singapour, elle avait failli couler à l’ancre, comme ça, en plein milieu du yacht-club. La voie d’eau s’est déclarée une nuit où je dormais chez des amis. Quand je l’avais retrouvée ainsi le lendemain matin, l’eau presque au ras du pont et les touques de riz qui barbotaient à l’intérieur, c’était comme si j’allais mourir. J’ai vidé au seau pendant des heures et des heures. Puis je l’ai remorquée à l’aide du dinghy pour l’échouer. Là, j’étais comme mort. Pas de fatigue mais de désespoir. Il n’y avait plus aucune solution. C’était trop à la fois. J’étais foutu, sans argent, sans ressort devant cette épave. Accroupi sur la vase, la tête dans les mains, je n’avais même pas envie de pleurer, j’avais seulement envie de m’endormir et de ne plus me réveiller.

J’ai senti sa main se poser sur mon épaule. C’était Orner, un shipchandler de Singapour. Je le connaissais un peu. Il m’a dit :  « Pompe toute la nuit pendant que la marée remonte. Je serai là demain matin quand elle commencera de baisser. Ne pense plus à rien, pompe, je me charge du reste. »

J’avais pompé toute la nuit. Quand la marée a commencé de baisser vers quatre heures du matin, il était là avec dix calfateurs chinois équipés jusqu’aux dents et trois apprentis qui roulaient l’étoupe, préparaient le mastic et s’occupaient des lampes. Ils ont commencé à travailler pendant que le mer continuait de baisser. Au début, ils calfataient les bordés du haut, de l’eau à la ceinture, éclairés par les lampes à carbure pendues à des bâtons plantés autour du bateau. Quand la mer a été tout à fait basse, le soleil brillait en grand, calfatage terminé. Et avant que la mer ne remonte, tout était réglé, y compris la pose du mastic, mélangé de ciment pour adhérer aux bordés humides et durci ensuite sous l’eau. Et quand la mer a été haute, il m’a aidé à remettre Marie-Thérèse à sa place au mouillage. Là, il m’a dit une chose étonnante :

Il m’a dit que ce qu’il avait fait pour moi, il l’avait reçu d’un autre, dans des circonstances où il ne voyait plus la lumière d’un espoir, comme moi la veille. Il m’a dit que je ne lui devais rien, mais qu’il ne faudrait pas oublier de rendre, un jour, sans hésiter une seconde, quand le moment serait venu.

Ensuite il est parti en me laissant devant ce miracle. »

La cape morale

Savoir s’arrêter de gamberger en cas de coup dur.
« Étant donné qu’il me fallait de toute façon faire du Nord Est pendant une quinzaine de jours pour me dégager de la zone des icebergs, j’ai décidé de me mettre à la cape morale, de ne plus penser à rien, de laisser à la grosse fatigue accumulée depuis le Horn le temps de décanter, de s’éliminer calmement. C’est ce que je m’efforce toujours de faire, en cas de coup dur, quand rien ne va plus, quand je n’y vois plus clair, et c’est en lisant Monfreid, tout gosse, que j’ai appris ce truc de la cape morale : ne plus penser, ne plus agir, ne rien décider, laisser faire le temps, laisser la roue tourner d’un cran. » extrait du Livre de bord 1968-1969

Le rebond, la résilience

Suite au naufrage de Marie-Thérèse à Diego Garcia :

« Trois ans ont glissé comme un rêve depuis Diego Garcia. Dans ce rêve, beaucoup de sueur, de pensées, de sacrifices, pour retrouver la mer. Et maintenant, je peux hurler de joie sur le pont de Marie-Thérèse II, en route pour l’Afrique du Sud et pour le tour du monde seul à bord de mon joli bateau. »

Suite à la perte de Marie-Thérèse II à St Vincent aux Antilles

« … et Marie-Thérèse II est morte aux Antilles. C’est arrivé comme une balle dans le ventre, pourtant c’était une résurrection mais je ne le savais pas. (…)

Oui, ce naufrage était une grosse épreuve, encore plus dure que l’autre. Mais il fallait l’encaisser debout. »

Suite à la perte de Joshua :

« Et le cyclone a frappé dans la nuit. (…) Et moi, ressort brisé, les yeux éteints, déambulant sur ce rivage comme un fantôme de mon bateau. Nous étions morts tous les deux.

(…) Trois mois après le cyclone, me voilà en train de peindre la carène de mon nouveau bateau. »

Vitesse de libération

« L’ancien coolie-misère transpirant à la pioche sur la terre des autres est métamorphosé, devenu maître d’un tracteur à trois socs… le soc central est Joshua, mon bateau indestructible, le deuxième soc est ce diplôme reçu des dieux, un diplôme qui me permet de faire ce métier passionnant, l’école de croisière (…), et le troisième soc, c’est l’écriture... (..)…me voilà sur la bonne route pour pouvoir enfin réaliser l’ancien rêve autrefois impossible… atteindre ma vitesse de libération. »

«Il avait emprunté, je crois, à un ami [Pierre Deshumeurs] la notion de « vitesse de libération », cette notion d’un minimum financier qui lui permette justement sa liberté, et qu’il ne fallait pas acquérir en aliénant cette liberté, mais au-delà duquel il pouvait tirer sa révérence. » Antoine dans « Bernard Moitessier fil des rencontres»

Le Chercheur de Vérité – le Maître et la pelle…

« Le Chercheur de Vérité rencontre toujours un Maître sur son chemin. Il en reçoit l’enseignement et s’en va au bout d’un temps pour creuser dans la solitude, sûr d’atteindre la Vérité. Puis le Doute arrive avec la Fatigue, et il cherche un nouveau Maître qui l’éclairera davantage. Ainsi de suite jusqu’au jour où il comprend enfin que l’enseignement du Maître se limite à la pelle qui sert à creuser.

Car la Maître ne peut enseigner que sa propre technique pour fabriquer l’outil. C’est le Chercheur de Vérité qui devra le faire, adapté à sa main qui est unique au monde. Certains auront besoin d’une pelle étroite et bien pointue. D’autres la voudront large et arrondie, un peu plate ou très creuse. Le manche aura toutes les formes possibles, court, long, mince, gros, en bois souple ou en bois raide, droit ou légèrement cintré vers le haut ou vers le bas. Cela dépend de chacun et nulle pelle ne sera tout à fait comme une autre.
Mais de toute manière, chacun est seul pour creuser. Et la forme de la pelle a bien moins d’importance que la Pensée, la Sueur et la Foi avec lesquelles chacun de nous fera son trou pour y chercher la Vérité. »

… pour creuser son trou

« J’ai compris ce concept du trou à creuser : dans la vie quotidienne, le trou à creuser représente le travail, le « faire quelque chose ». Il n’est pas nécessaire que ce travail soit important au regard des autres. (…) Il n’y a aucune possibilité d’éviter la sueur. comme disait Bernard. Et s’il n’y a pas le travail personnel, cela n’a aucun intérêt. (…) L’argent et l’avoir ne changent absolument rien [au fait d’être heureux ou pas], la solution est dans l’acte de réaliser quelque chose de façon personnelle avec sa propre sueur. » Ugo Conti dans « Bernard Moitessier au fil des rencontres »

Essence commune de l’humanité

« …Le regard du Japonais avait croisé le mien à l’instant où sa main allait dégainer. Il n’y avait plus de peur en moi, ni de haine, et de prière aucune. Nos yeux sont entrés l’un dans l’autre, il y avait dedans le plus lointain passé des hommes, j’ai vu que lui et moi, nous étions le même, avec la même sève, la même sève pour tous, la même essence, celle de l’humanité. S’il me tuait, il se tuait aussi. Mais bien plus que cela, c’est tout l’Homme qu’il aurait effacé du monde. » dans la prison à Saïgon à l’âge de 20 ans.

Faire sa part pour faire évoluer le monde

« Je crois que notre fonction à tous est de participer à la création du monde. Chacun selon sa propre surface de voilure, son tirant d’eau, son tonnage, son aptitude à remonter le vent, à tenir la cape ou encaisser le poids des déferlantes aux allures portantes . Et je crois dans le fond de mon être que nul ne peut enfreindre cette loi sans se couper de l’espèce humaine… »

Pardon

« On ne se trompe jamais en pardonnant. »

Vie et mort

« La mort est naturelle et la vie merveilleuse. »