Bateaux

Le bateau, c’est la liberté, pas seulement le moyen d’atteindre un but.

Le bateau était au départ le moyen de quitter son pays natal pour aller s’installer ailleurs, cet ailleurs étant l’Australie ou Madagascar, mais il va en être autrement et peu à peu il va représenter un mode de vie pour Bernard Moitessier. Il symbolise cette liberté que le jeune homme de 27 ans acquiert en quittant l’Indochine et qu’il conservera tout au long de sa vie. Il devient lieu de vie et refuge quand le marin met pied à terre provisoirement.

Le voilier est à la fois l’allié des grandes navigations, le compagnon des records, le lieu du ressourcement et de l’écriture avec toujours la possibilité de partir et de vivre en autarcie, en cas de crise (ce qu’il craignait dans les années 1970).

Il lui devient peu à peu inenvisageable de vivre sans bateau :

Perdre son bateau, c’est se retrouver comme un bernard-l’hermite sans coquille.

A chaque époque de sa vie correspond un style de voilier :

  • 1947 : une grosse jonque de transport traditionnelle à voile pour faire du commerce entre Cochinchine et Cambodge.
  • De 1952 à 1958 : les bateaux en bois des premières années (le Snark, Marie-Thérèse et Marie-Thérèse IIlui permettent de partir, de quitter son pays et d’improviser une vie d’aventures d’Indochine aux Antilles, à travers les océans Indien et Atlantique, mais ils sont très rustiques, prennent l’eau et sont sommairement équipés. Il pratique le vagabondage marin, découvrant le monde et travaillant aux escales, à une époque où naviguer était réservé à une élite fortunée, avant le grand développement de la plaisance.
  • De 1961 à 1982 : un solide ketch en acier indestructible de 12 mètres, Joshua, sur plan d’architecte, compagnon des grandes navigations autour du monde sur les trois océans, dont la participation à la course du Golden Globe en 1968-1969, qui deviendra sa « longue route », lui offre aussi l’opportunité de faire de l’école de croisière en Méditerranée puis de vivre dans le Pacifique (Polynésie, Nouvelle Zélande, Californie, Hawai).
  • De 1983 à 1993 : Tamata, cotre en acier de 10 mètres, simple et destiné à la période de l’écriture de ses mémoires « Tamata et l’Alliance » et aux virées dans les atolls du Pacifique.

 

Jonque de transport


© Collection Moitessier

Histoire

A 22 ans, il monte une affaire de cabotage à voile entre Rach Gia (Cochinchine) et Kampot au Cambodge avec une jonque de transport. Il transporte du riz (jusque vingt-cinq tonnes) de Rach Gia à Kampot ou plus loin vers le Siam, et retour vers Rach Gia avec un chargement de bois ou du sucre de palmes. Cela va durer six mois car il est soupçonné de trafic d’armes, alors que ses seuls trafics concernent parfois celui de crevettes séchées. Il est le « taicong » (capitaine) avec un équipage de six matelots malais.

Description par lui-même :

Ma jonque portait 20 tonnes de riz en temps normal, les sacs de crevettes séchées c’était en plus.
Elle était gréée à la manière chinoise, avec des mâts haubanés, comme presque toutes les jonques du golfe de Siam. Le petit mât avant portait une voile lattée de faible surface qu’un homme pouvait hisser seul, sans palan. Par contre, il fallait six personnes pour porter la grand-voile dont chaque latte était formée d’un double bambou mâle. Les voiles sont faites en feuilles de latanier tressées.

Snark

1950 départ en 1951

Snark

© Collection Moitessier

Caractéristiques techniques

Ketch de 12 mètres en bois, largeur 4,20 mètres, tirant d’eau 1,70 mètres.

Bateau de pêche de Bornéo, (appelé prao en malais) de type européen, avec un bout-dehors, un gréement aurique, peu de franc bord. Bateau à quille longue.

A bord, des cartes marines, un compas et un sextant (dont ils ne savent pas vraiment se servir). Technique de l’estime.

Histoire :

Moitessier achète en 1950 avec Jean-Claude Mounier ce ketch de 12 mètres en bois construit à Bornéo pour la pêche, qui se trouve dans la rivière de Saïgon, saisi par la douane pour contrebande. Il le baptise Snark, comme le voilier de Jack London. Ce dernier a sillonné le Pacifique pendant sept ans avec sa femme et un équipage d’amateurs entre 1907 et 1913 et racontera ce voyage dans « La Croisière du Snark ».  Le seul nom du voilier est une invitation au voyage.

Après les travaux de rénovation et de réarmement, en six semaines, il part finalement avec Pierre Deshumeurs, sans Mounier, en 1951, destination l’Australie.

Partis du Cap Saint Jacques près de Saïgon, ils font escale… « par hasard » dans l’archipel des Anambas, puis à Singapour et Toboali en Indonésie où le visa pour l’Australie leur est refusé, au vu de l’état du bateau qui prend l’eau. Ils sont remorqués jusque Singapour par les militaires hors des eaux indonésiennes puis rejoignent Saïgon en pompant sans cesse. Là ils revendent le pauvre Snark et se séparent.

Description par lui-même :

ll y avait beaucoup à faire sur le Snark. Quand Mounier s’en est porté acquéreur, il ne restait que la coque et les mâts.
Au retour
Le Snark faisait 100 litres d’eau par jour en arrivant à Singapour… Et nous avons réussi à ramener le Snark sans couler tout à fait jusqu’à Saïgon d’où nous étions partis six mois plus tôt. Il ne restait plus qu’à vendre ce pauvre Snark, pourri de la pomme des mâts au fond de quille, en passant par la coque et les membrures ! Pauvre bougre, bouffé aux tarets !

Marie-Thérèse

1952

Marie-Thérèse

© Collection Moitessier

Caractéristiques techniques

Jonque traditionnelle du golfe de Siam en bois à lest intérieur, gréée en ketch aurique, longueur 9,25 mètres pour 3,15 mètres de large. Son étrave est effilée et remonte très haut.

Équipement de navigation : un sextant et un compas.

Histoire

Après la vente du Snark à Saïgon, Moitessier part à Kampot au Cambodge en quête d’un nouveau bateau, bien décidé à repartir. Il déniche une petite jonque qu’il baptise Marie-Thérèse du nom de son ex-fiancée laissée à Saïgon. Après quatre semaines de préparation avec l’aide des locaux (le père de Xian, ami du village de pêcheurs de son enfance), il repart, cette fois en solitaire et pour toujours, laissant derrière lui son passé, son pays natal et les « fantômes » de la guerre d’Indochine. Nourri des récits d’ auteurs tels Jack London, Alain Gerbault, Erick de Bishop et Henry de Monfreid, qui incitent à l’aventure, il envisage la traversée de l’océan Indien jusque Madagascar, où il pense trouver du travail.

A l’escale de Singapour l’aventure a failli s’arrêter mais il se produit un premier « miracle » d’un presque inconnu qui sauve son bateau d’une voie d’eau et qui lui offre de le calfater gracieusement contre la promesse de rendre à quelqu’un d’autre plus tard. Ce miracle initie ce qu’il appellera la « chaîne de solidarité» dont il bénéficiera plusieurs fois dans sa vie et qu’il pratiquera lui-même à son tour.

Une fois dans l’océan indien, il lutte pendant six semaines contre la mousson de Sud-Ouest avant d’attraper les alizés de Sud-Est. Chargé d’une table à débarquer aux Seychelles pour un ami, il change sa destination pour ces îles et vise tout d’abord le sud des Chagos en suivant la même latitude. Il est en mesure de calculer sa latitude à midi à l’aide d’un sextant et de suivre un cap avec un compas, mais ne peut pas connaitre sa longitude et donc croiser les deux informations pour en faire une position précise. Il utilise l’estime mais cela reste très approximatif, sans loch (pour mesurer sa vitesse), ni chronomètre (nécessaire pour connaître sa longitude). Maintenant sa route au niveau de la latitude des Chagos, il se retrouve sur le récif en début de nuit sur l’île Diego Garcia aux Chagos et perd le bateau, le 4 septembre 1952.

Ce qu’il en dit :

Belle jonque du golfe de Siam aux formes pleines et robustes, fleurant bon l’huile de bois, avec sa pièce d’étrave jaillissant de l’avant pour en prolonger gracieusement la tonture, montrant à la fois le ciel et l’horizon… et les terres derrière cet horizon.

Petite maison spartiate que j’emmène avec moi et qui m’emporte où je veux dans le monde.

Marie-Thérèse II

1955-1958

Marie-Thèrese II

© Collection Moitessier

Caractéristiques techniques

D’inspiration extrême orientale aux formes rondes, 8,36 mètres de long pour 3,15 mètres de large, 1,5 mètres de tirant d’eau (quille en fonte de 400 kilos, et lest intérieur inamovible).

Gréé d’abord en ketch aurique puis en ketch marconi.

Pièces de quille, d’étrave et étambot en bel acajou ; membrures en pièces de jacquier et goyavier, barrots de pont en planches.

Équipement de navigation : un sextant, un compas et un chronomètre.

Histoire

Après le naufrage de Marie-Thérèse aux Chagos, Moitessier construit à l’île Maurice son nouveau voilier de ses propres mains, sans plan, à l’improvisation, en neuf mois avec les matériaux locaux parfois récupérés sous un tas de décombres ! La solidarité des amis permettront de limiter le coût de la construction et de l’armement. Il apprend aussi à faire le point complet par le soleil avec le sextant pour calculer latitude et longitude.

Il repart le 2 novembre 1955 pour l’Afrique du sud, où il reste trois ans, faisant escale à Durban puis à Cape Town. Tout en travaillant, il continue la mise au point de Marie-Thérèse II, avec les moyens glanés sur place et beaucoup d’inventivité, en complicité avec son ami Henry Wakelam, sur Wanda, les conseils de Bardiaux et autres marins partageant les mêmes rêves. Entre autres, ils bricolent et expérimentent un pilote automatique (ou plutôt un régulateur d’allures) inspiré de celui de Marin Marie, inventent une cloche à plongeur pour pouvoir nettoyer et travailler sur la coque de leurs voiliers sous l’eau. Il remplace le lest mobile intérieur par un lest fixe en ciment, galvanise les ferrures des haubans, badigeonnés ensuite de suif-céruse pour prévenir de la rouille, installe un bout-dehors, aménage la cabine, crée un poste de pilotage intérieur avec roue intérieure, perce le capot pour fixer une plaque transparente pour surveiller les voiles de l’intérieur et crée des ouvertures dans l’hiloire pour regarder la mer.
Ainsi équipés, ils repartent, chacun sur son voilier, à travers l’Atlantique. Il quitte Cape Town pour les Antilles via Sainte Hélène, Ascension, Fernando Noronia, Trinidad, Martinique, retrouvant son ami Wakelam sur Wanda aux escales.

Partant précipitamment de Martinique, fatigué, pour rejoindre une amie débarquant à Trinidad de façon anticipée, à l’époque où les communications n’étaient pas directes et instantanées, il ne résiste pas au sommeil, et fait naufrage sur la côte de Saint Vincent.

Ce qu’il en dit :

Marie-Thérèse II fut construite « au jugé ». Non pas pour « faire le malin », mais tout simplement par manque de moyens pécuniaires : j’avais dû m’adapter aux conditions locales de l’île Maurice où les bois courbes utilisés pour les membrures chantournées sont rares. Faire dessiner un plan spécialement adapté aux matériaux existant à l’île Maurice m’eût coûté fort cher… La construction de Marie-Thérèse II s’est faite par un travail lent, paisible, avec scie, rabot, sans machine-outil.

Neuf mois après sa mise en chantier, Marie-Thérèse II prenait son premier bain et je la mâtai, la gréai en ketch aurique.

L’entretien de mes bateaux en bois posait des problèmes délicats, exigeant de solides qualifications, car il fallait être à la fois « docteur es pourriture », « docteur es tarets », « docteur es voies d’eau… !!!

Une description précise de la construction est à lire dans « Un vagabond des mers du sud. ».

Joshua

1961-1982

Joshua

© Nicole van de Kerchove

Caractéristiques techniques

Ketch en acier dessiné par Jean Knocker. Construit dans le chantier de Jean Fricaud à Chauffailles en Saône et Loire.

Longueur 12,08 mètres prolongé de 2 mètres de bout-dehors.

Longueur à la flottaison 10,30 mètres.

Largeur au maître bau : 3,68 mètres.

Tirant d’eau 1,60 mètres, quille longue.

Mât principal de 17,5 mètres et mât d’artimon, tous deux taillés dans des poteaux téléphoniques.

Équipement : pilote automatique (régulateur d’allures) monté sur le safran extérieur.

Arrière norvégien.

Histoire

La naissance de Joshua est l’aboutissement d’une longue correspondance avec Jean Knocker.

Rêvant d’un prochain bateau sans en avoir encore les moyens, Moitessier entreprend une abondante correspondance sur plusieurs mois avec l’architecte Jean Knocker qui se propose de le lui dessiner, suite à une première rencontre au salon nautique à Paris début 1960. Ces échanges d’idées, de croquis, de plans de différentes tailles s’étalent pendant quatorze mois jusqu’à la construction (qui a lieu de septembre à décembre 1961 à Chauffailles) et continuera au-delà sous forme d’échanges réguliers et emprunts de respect mutuel: Bernard Moitessier nomme Jean Knocker « oncle Jean » dans sa correspondance. Le projet est flou au départ, avec de nombreuses hésitations tant sur la taille, le matériau, la forme, les aménagements.

Les impératifs sont clairs : bonne remontée au vent, faible tirant d’eau, arrière norvégien, intérieur habitable et divisé en deux cabines indépendantes, ketch marconi, gouvernail extérieur pour y fixer un pilote automatique en direct. Les plans vont s’affiner au fil des échanges.

Moitessier envisage de le construire lui-même pour des raisons économiques, et en bois, dans le sud de la France quand arrive, fin juin 1961, la proposition de Jean Fricaud, propriétaire d’un chantier de pelles mécaniques en Saône et Loire, de construire dans son chantier son bateau en acier. Touché par le récit des (més)aventures de l’auteur du livre « Un Vagabond des mers du sud » qui sort en librairie fin 1960, Jean Fricaud lui offre un prix très intéressant moyennant pour Moitessier de participer à la construction comme ouvrier, et de lui donner des conseils en navigation sur son propre voilier. Fricaud prévoit d’acquérir ainsi une expérience pour ensuite se lancer dans la construction des bateaux en acier. Le chantier démarre en septembre et se termine fin décembre sans aucun engin mécanique, à trois. La mise à l’eau a lieu le 6 février 1962 à Lyon.

* Pour en savoir plus : Une note complète de l’architecte se trouve en appendice du livre « Cap Horn à la Voile ».

  • Nom de bateau : prévu au départ Maïté, il s’appellera finalement Joshua en hommage à Joshua Slocum, premier navigateur à avoir bouclé un tour du monde en solitaire sur le Spray 1895-1898.
  • École de de croisière 1962-1963 et 1967

Dès sa mise à l’eau, les aménagements commencent en vue de recevoir des stagiaires en école de croisière dès l’été 1962. Au final, 150 stagiaires vont se succéder sur deux saisons d’école de croisière en Méditerranée, à partir de Marseille et Toulon jusqu’en Corse.

  • La vie dans le Pacifique : Polynésie, Nouvelle Zélande, Cook, Californie 1969-1982

Après le tour du monde en solitaire, Joshua reste basé dans le Pacifique.

  • Naufrage à Cabo San Lucas (Mexique) 8 décembre 1982

Quittant la Californie pour le Costa Rica, avec à son bord Klaus Kinsky, acteur célèbre et généreux client souhaitant apprendre la navigation, Moitessier fait escale à Cabo San Lucas, au Mexique pour y déposer son élève. Et là, il continue à lui enseigner la navigation malgré un temps qui menace, il reste au mouillage au lieu de s’éloigner de la côte. Et dans la nuit, un cyclone non annoncé jette Joshua sur la plage avec vingt-six autres voiliers. Joshua est juste cabossé mais les bateaux qui lui arrivent dessus détruisent tout sur le pont. Il se retrouve rasé, démâté, plié et rempli de sable.
Après avoir vidé le sable et récupéré ce qu’il pouvait, se sentant incapable de remettre lui-même en état le bateau, il cède « l’épave » à deux jeunes Joe et Reto Daubenberger qui sont venus l’aider et se proposent de la racheter. Il les aide à remettre Joshua à l’eau, faute de quoi il serait détruit.

  • Nouvelle vie de Joshua : Le voilier indestructible va commencer une nouvelle vie avec Joe et Reto Daubenberger qui vont le remâter sur place puis le remettre en état à San Diego, en Californie, installer un moteur, puis le vendre à Johanna Slee à Port Townsend, dans l’État de Washington. Par un concours de circonstance heureux, la rencontre d’une française Virginie connaissant l’histoire du bateau et cherchant à le faire revenir en France, et d’un journaliste Emmanuel de Toma intéressé par le projet, Joshua va retourner en son pays d’origine. Emmanuel de Toma contacte en effet Patrick Schnepp, directeur du Musée Maritime de la Rochelle, qui réussit à faire racheter Joshua par le musée, grâce au concours d’un mécène, et Joshua va être ramené en cargo en France en 1990.

Patrick Schnepp a annoncé la nouvelle à Bernard Moitessier qui s’est tout d’abord attristé de voir son voilier immobilisé dans un musée. Mais le directeur du musée lui a assuré que Joshua continuerait à naviguer, ce qui est toujours le cas aujourd’hui. Il a été invité à bord lors de l’arrivée à la Rochelle où il a été applaudi par un public nombreux puis a eu l’occasion de naviguer de la Rochelle à Concarneau un an plus tard avec à bord Gérard Janichon, Jean-Paul Lemaitre, Philippe Lavigne, Patrick Schnepp, Yves Gaubert, membres du CA du musée et sa compagne Véronique Lerebours.

Depuis, L’Association des Amis du Musée Maritime de la Rochelle gère l’entretien et les sorties en mer une grande partie de l’année et véhicule la mémoire du bateau et de son capitaine.

Joshua est classé Monument Historique en 1993.

Ce qu’il en dit :

Je suis un bon bateau, donne moi du vent,
je te donnerai des milles… des milliers de milles…

 

Les évolutions du bateau :

Joshua préparé pour l’école de croisière dès sa mise à l’eau en 1962 :

Enseigner la mer après deux bateaux perdus pour des fautes que n’aurait pas commises un débutant, cela peut sembler gros. En fait, je jouis d’un immense prestige auprès de mes équipiers. Ils me regardent un peu comme une sorte de phénomène. Tous connaissent les grandes lignes de mon histoire, celle d’un gars naviguant presque à mains nues et qui s’en est tout de même sorti. Comment est ce possible ?
A travers Joshua, ils peuvent toucher l’essentiel : coque solide à toute épreuve, deux mâts taillés en une semaine dans des poteaux téléphoniques, un jeu de voiles munies de nombreuses bandes de ris, une bonne réserve d’eau et de la place sous le plancher pour les vivres. Prêts à partir !
Haubans en câble galvanisé des PTT, un petit palan en guise de winch.

Joshua modifié à Tahiti pour le retour par le Cap Horn :

– Bricolage d’une cuvette en fer blanc, qu’il perce de trous et fixe sur le capot en guise de coupole de pilotage pour barrer de l’intérieur et voir cependant les voiles et la mer. Aménagement d’une chaise montée sur charnières, dans la descente pour barrer de l’intérieur avec la petite barre à roue.

Boulonnée sur le capot du roof, l’ancienne cuvette en fer blanc est devenue une coupole à toute épreuve, percée de cinq minuscules fenêtres en plexiglas qui lui donnent l’aspect d’une tourelle de char d’assaut.

Joshua modifié pour son tour du monde en solitaire en 1968 :

– Rajout d’une sous-barbe supplémentaire, un solide balcon en tube galvanisé sur le bout-dehors, des poignées en fer à béton vissées sur la mât pour y grimper, 4 winchs d’écoute et 2 winchs de bôme pour les prises de ris, haubans en galva remplacés par de l’inox, nouvelles voiles en tergal taillées par Loiseau, avec bandes de ris et nombreux renforts.

Joshua sorti dans le chantier de la DCAN à Papeete et remis en état et modifié par les quatre équipiers du Kim (Daniel Gazanion, Claude Monchaud, Michel Chopard et Bruno Maroux) à Tahiti en 1979 avant le départ pour la Californie :

– Remplacement de tous les éléments d’accastillage de pont, du bout-dehors, de la tête de gouvernail et l’ensemble des cadènes.

– Transformation des deux descentes et installation d’un hublot ouvrant dans la cabine arrière.

Tamata

1983-1994

Tamata à Suvarov 1984

© René Boesch

Caractéristiques techniques

Cotre acier 10m, à bouchain, tableau arrière et bout-dehors.

Plan de John et Ned Hutton.

Quille longue, tirant d’eau 1,70 mètres.

Lest : deux tonnes de plomb en lingots rangés dans la quille creuse.

Construit en Californie à Richmond par les Hutton et Bernard Moitessier sur le chantier de Rick Wood.

Équipé d’un moteur Deutz 12 CV à refroidissement à air et démarrage à la manivelle.

Histoire

Moitessier, dépourvu de bateau après avoir cédé Joshua au Mexique, se voit soutenu par ses amis qui mettent en œuvre des aides matérielles et financières pour l’aider à reconstruire un nouveau voilier. Trois souscriptions sont lancées, l’une aux USA par Mary Crowley de Ocean Voyage, une autre à partir de France par Jean-Michel Barrault et la dernière à Tahiti par Jeannot Rey. Sur place, lui sont offerts un lieu de construction, le chantier de Rick Wood à Richmond, en baie de Californie, le plan d’un bateau en acier par les Hutton, (amis rencontrés en Polynésie qui construisent des voiliers en acier à bouchain vif au gré des escales), le coût de la tôle offert par ses amis Conti, un petit moteur offert par Cliff contre un embarquement jusque Hawaï, grand-voile offerte par Peter Sutter maître voilier de Sausalito, un poteau télégraphique pour le mât taillé par Scott Wood…

Pour moi, Bernard portait le rêve de beaucoup de monde. Il m’a paru normal, quand le sien s’est brisé, de trouver les moyens pour qu’il puisse continuer à porter notre rêve à tous.  Isabella Conti

Il cherche à avoir un plus petit bateau, 9 mètres maximum, car il connaît le prix et les efforts nécessaires à l’entretien d’un voilier. Mais le plan proposé par les Hutton, pour être réalisé en acier ne peut descendre en-dessous de 33 pieds, soit 10 mètres. Moitessier s’attelle au travail de construction avec les Hutton et la coque est terminée en trois mois. Il la grée en cotre, avec un mât en bois de 13 m, haubané toujours avec le même procédé de fixation à l’aide d’une cosse et des serre-câbles.

L’aménagement intérieur simple et rustique est réalisé avec l’aide d’un ami Jacques Toujan en dix jours. Pas de cloison, trois couchettes, un évier, un réchaud à pétrole sur cardan en guise de cuisine, pas de placard mais des élastiques tendus entre les membrures et une grande table à cartes.

  • Nom du bateau : Tamata , comme le surnom donné à Moitessier à Ahé aux Tuamotu car il ne cessait de répéter ce mot signifiant « essayer » en tahitien.

Ce qu’il en dit :

Tamata efficace et simple, juste ce qu’il faut pour mes nouveaux buts dans la vie.